par Christian Eyschen
Entre 1914 et 1918, durant la Première Guerre mondiale, il y a eu une vague de Conseils de guerre envers les soldats français accusés de lâcheté, de désertion, de manque de courage, d’endormissement dans les tranchées, de refus de sortir des tranchées sous les feux des mitrailleuses ou sous les obus de canons, et parfois, plus simplement, d’avoir eu le malheur d’être choisis au hasard pour faire un exemple.
En tout, on recense 2 500 condamnations à mort dont 650 furent réellement exécutées. Les remises de grâce qui transmutaient les poteaux d’exécution en bagne sont passées par là. A cela s’ajoutent des centaines, au moins, d’exécutions sommaires, des années de bagnes effroyables débouchant souvent sur la mort pour des milliers de soldats déportés hors métropole et une répression accrue contre les troupes coloniales.
Le bilan est lourd, le bilan est tragique. Il s’agit d’un drame qu’il faut réparer, pour les vivants et pour les morts.
La réalité des fusillades
Contrairement à une légende construite après coup, pour des raisons politiques, la vague des assassinats « légaux » de poilus ne date pas des mutineries de 1917, en contre coup de la Révolution russe. En septembre 1914, le front craque sous la pression des armées allemandes. C’est la panique à Paris, au gouvernement et dans l’Etat-major. Le gouvernement donne plein pouvoir à l’armée pour résister aux « teutons » qui sont à 30 kilomètres de Paris.
Les fusillades et les exécutions sommaires commencent. Elles ne s’arrêteront plus. Dès septembre 1914, la répression s’abat sur les troupes françaises pour les terroriser et les faire tenir. 1914, 1915, 1916 sont les années noires où fleurissent les poteaux d’exécution sur le front. Des soldats français sont assassinés par d’autres soldats français, sur ordre des brutes galonnées, soigneusement à l’abri à l’arrière. Ces 650 soldats ne sont pas morts « pour la France », mais morts par la France.
Cette sauvagerie barbare fait aussi des ravages dans les armées du Royaume-Uni où 306 soldats seront passés par les armes. Il y en aura plus de 1 000 dans les armées italiennes. Paradoxalement, les fusillades pour l’exemple n’auront guère cours dans les armées allemandes et pas du tout dans les armées nord-américaines. Il est vrai que celles-ci arrivent, en quelque sorte, après la bataille en 1917 où les fusillades diminuent considérablement.
L’année 1917 connaît peu, en réalité, d’exécutions pour l’exemple. Cela n’aurait fait que mettre le feu aux poudres sur un front exacerbé par la longueur de la guerre et les sacrifices imposés.
En 1916, le combat commence
Dès 1916, plus encore en 1917, des voix s’élèveront, notamment celle de Pierre Brizon, pour dénoncer les exécutions. Les députés internationalistes, ils ne seront que 3, voteront d’un même élan contre les crédits de guerre et réclameront l’arrêt des exécutions de soldats. Malgré la censure et la répression par la présence permanente des troupes de gendarmerie pour que l’ordre règne dans les tranchées, la nouvelle arrive quand même à l’arrière : on tue des soldats français sur ordre de l’État-major.
Le Grand Orient de France va commencer à faire bouger des francs-maçons pour que la tuerie s’arrête. Jusqu’en 1935, les Enfants de la Veuve vont se mobiliser pour la réhabilitation des 650 fusillés. Les Loges maçonniques se feront discrètes, laissant le soin à ses membres, à travers la Ligue des Droits de l’Homme et, après la guerre, par les associations d’anciens combattants, d’agir publiquement.
« L’affaire des fiches » du début du siècle étant encore dans toutes les mémoires, les francs-maçons n’apparaissent pas au grand jour dans cette bataille de justice. Mais c’est, incontestablement, le Grand Orient de France qui est à l’origine de la campagne pour la réhabilitation.
Quelques cas, mais pas encore une cause
Entre 1916 et 1935, il y a eu une cinquantaine de réhabilitations, souvent individuelles, des soldats fusillés pour l’exemple. Il va donc en rester 600 à qui il faudra rendre justice. Cette action va engager une mobilisation croissante dans l’opinion publique entre les deux Guerres mondiales. La Ligue des Droits de l’Homme et surtout les Associations d’anciens combattants, dont l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC), entreprendront des actions incessantes pour obtenir gain de cause.
Dans cette situation, va se constituer une commission d’experts, avec des avocats, des juristes, des parlementaires, des anciens combattants pour faire la lumière sur les conseils de guerre. Le bilan que l’on doit tirer est plus que mitigé. Selon la formule célèbre de Clemenceau, cette commission a plus enterré de problèmes qu’elle n’en a résolu. C’est pourquoi la Fédération nationale de la Libre Pensée n’est guère partisane de recommencer aujourd’hui ce qui a si mal marché hier.
Cette campagne de réhabilitation a bien sur été stoppée par la Deuxième Guerre mondiale. Et puis, Philippe Pétain étant chef de l’Etat, il ne fallait pas indisposer le « vainqueur de Verdun ». A la Libération, le pays est occupé à autre chose, le Général de Gaulle n’allait pas attaquer l’armée dont il tirait une partie de sa légitimité. Il ne fallait pas non plus indisposer « le vainqueur venu d’Alger »
La mémoire collective a préservé le souvenir
Même si cette campagne de justice a été mise sous le boisseau pendant des décennies, le souvenir des assassinats « légaux » de soldats sur le front est demeuré vivace. Régulièrement, le rappel de ces drames refaisait surface dans les journaux à l’occasion de tel ou tel événement.
Incontestablement, c’est le célèbre film de Stanley Kubrick Les sentiers de la gloire, tourné pendant la guerre d’Algérie qui va remettre sur le devant de la scène cet épisode tragique. Ce film, interdit en France pendant des décennies, va de nouveau catalyser la conscience collective et permettre aux jeunes générations de s’approprier cette exigence. C’est ce film qui m’a fait connaître ces événements.
Bien entendu, le gouvernement gaulliste du Général et ses successeurs vont tout faire pour étouffer cette histoire afin qu’elle ne débouche pas sur une nouvelle mobilisation des citoyens. Mais petit à petit, le fil va tendre à se renouer entre générations. Les chroniqueurs s’étonnent en permanence de l’intérêt toujours maintenu des citoyens pour la Guerre de 1914-1918. Cela ne s’est jamais démenti.
Il faut dire que la saignée d’un million de morts, frappant le moindre petit village de notre pays, a été un élément déterminant du maintien de la mémoire collective. Il suffit de regarder la liste des noms sur les monuments aux morts pour s’en convaincre.
Les films et documentaires de notre ami Alain Moreau sur les Fusillés pour l’exemple et sur Blanche Maupas vont être aussi un élément déterminant pour la mobilisation de la conscience des citoyens de ce pays sur les injustices commises pendant la Première Guerre Mondiale. Cela va constituer un véritable choc dans l’opinion publique. Là aussi, nous remercions ce réalisateur de n’avoir point occulté, de quelque manière que ce soit, l’action de la Libre Pensée dans ce domaine.
La symbolique de la pierre
Cette perpétuation de ces événements tragiques dans les mémoires va être aussi amplifiée par la présence de 40 000 monuments aux morts dans les 36 600 communes du pays. La plupart sont bellicistes à souhait, mais un grand nombre sont plutôt neutres, évoquant la peine et le malheur.
Une centaine d’entre eux sont d’ordre pacifiste, parfois construits sur la base de souscriptions publiques pour contourner les obligations guerrières des pouvoirs publics.. Ils sont, pour l’essentiel, recensé dans l’ouvrage de référence de Danielle et Pierre Roy. Les libres penseurs continuent encore d’en trouver. Et il n’est pas rare qu’au détour d’une promenade ou d’un pique-nique, des libres penseurs mènent une véritable enquête demandant l’ouverture des archives du Conseil municipal pour tenter de connaître les raisons du pourquoi de la symbolique du Monument aux Morts qui les interroge, où des modifications pacifistes qui ont pu y être apportés après son érection.
On doit à nos camarades Philippe Besson et Régis Parayre d’avoir « redécouvert », au printemps 1988, le monument pacifiste de Gentioux dans la Creuse. Ce monument érigé en 1922 par une municipalité SFIO dirigée par le maire Jules Coutaud ; jamais inauguré officiellement, qui faisait détourner les regards des militaires en convoi qui passaient devant pour faire des manœuvres à la Courtine ; proclame, par la bouche d’un élève de l’École publique laïque, en blouse grise et en sabots : « Maudite soit la guerre ! ».
A force de conviction et de ténacité, avec l’aide de nos regrettés camarades René Debord (Creuse), Pierre Forestier (Haute-Vienne) et Jean-Louis Crouzevialle (Corrèze), ils réussiront à convaincre les libres penseurs du Limousin d’honorer ce monument pour flétrir la guerre et le militarisme. Depuis 1988, chaque 11 novembre se tient un rassemblement où les libres penseurs et les pacifistes se rassemblent pour dénoncer les tueries.
Et c’est devant ce monument extraordinaire par son importance et si insignifiant pas sa taille matérielle que le 11 novembre 1998, un discours rentrera dans l’histoire, salué comme le tournant de la bataille pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple comme le note Nicolas Offenstadt.
Ne pas se tromper de revendication
En 1997, après une longue discussion avec notre ami et camarade Claude Le Tanter, la Libre Pensée décide d’entreprendre et de relancer la bataille pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple. Nous ne ménagerons pas notre peine pour cela.
En novembre 1998, il y aura deux discours qui sont les marqueurs d’une différenciation. Lionel Jospin, alors Premier ministre, demandera à Craonne, le 5 novembre, que les Fusillés pour l’exemple soient réintégrés dans la mémoire collective. Cela lui vaudra les foudres d’une partie de la droite et la réprobation du Président de la République, et cela fit du bruit. Mais ce vacarme allait dans le bon sens.
Le 11 novembre 1998, à Gentioux, je fais, à mon tour, un discours pour marquer notre prise de distance vis-à-vis de la position exprimée par Lionel Jospin. Pour la Libre Pensée, il ne s’agit pas de mémoire, mais de justice. Nous exigeons, pour la première fois publiquement depuis longtemps, la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple. La Libre Pensée renouait ainsi le fil coupé en 1935. Depuis, notre exigence va prendre une ampleur considérable sur ce chemin de justice.
Un outil pour une cause
La Libre Pensée décide, au début des années 1990, d’inciter ses Fédérations départementales à prendre l’initiative d’organiser des rassemblements autour des monuments pacifistes, à l’instar de celui de Gentioux. La mayonnaise prend et le 14 juillet 1994, nous fondons officiellement la Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des monuments pacifistes, républicains et anticléricaux.
Il y a, aujourd’hui, prés d’une centaine d’associations adhérentes à cette Fédération. J’en fus le premier Président et Pierre Roy l’est aujourd’hui. Danielle Roy est, depuis la fondation, son infatigable trésorière. Qu’elle en soit remerciée pour toujours.
Depuis mon discours du 11 novembre 1998, la revendication de la réhabilitation est portée publiquement dans près de 80 rassemblements pacifistes chaque année dans tout le pays, dont la majorité se fait autour du 11 novembre. Plus de 4 000 pacifistes internationalistes et libres penseurs se rassemblent aujourd’hui ainsi pour renouer le fil avec l’histoire des victimes de la barbarie militariste.
Il est positif de constater, qu’au fil des années, non seulement la presse, mais aussi les radios et télévisions, donnent une place à nos initiatives de rassemblement pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple. C’est devenu presqu’une cause nationale. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Une union en marche
Avec Marc Blondel, notre Président, nous avons entrepris de multiples rencontres auprès d’autres associations. C’est ainsi que nous avons réalisé une union forte avec l’Association Républicaine des Anciens Combattants, l’Union Pacifiste de France, la Ligue des Droits de l’Homme et ensuite avec le Mouvement de la Paix.
Bien entendu, chaque association garde sa liberté de comportement et ses analyses, mais toutes sont unies par la demande de réhabilitation collective, même si, pour des raisons liées à son histoire, la LDH souhaite la révision des procès.
Pour la Libre Pensée, il ne convient pas, à ce stade, de réclamer la révision des procès, car alors il faudrait refaire les jugements et, ce, en l’absence des témoins, des victimes, des accusateurs et des juges de l’époque. Près d’un siècle plus tard, il ne saurait être question de réparation de quelque nature que ce soit. Cela n’aurait donc aucun sens d’engager une procédure juridique au cas par cas.
Comme il ne peut y avoir, fort heureusement, de décision juridique collective, la solution préconisée par la Libre Pensée est une réhabilitation collective d’ordre politique. C’est pourquoi elle a concentré son action en direction de la Présidence de la République pour que cela soit fait.
De multiples démarches ont été entreprises
Avec l’ARAC, la LDH, l’UPF, puis avec le Mouvement de la Paix, nous avons été reçus par deux fois au Secrétariat des Anciens Combattants en présence de Jean-Marie Bockel. Nous avons été aussi reçus à l’Élysée par l’Amiral Guillaud, ancien Commandant du porte-avions Charles de Gaulle et, à l’époque, Conseiller des armées à la Présidence de la République. Depuis, il est devenu Chef d’Etat-major de toutes les armées françaises.
Nous avons aussi rencontré ensemble le Colonel Pineaud au Ministère de la Défense lorsqu’Alain Juppé y était en charge. Lors de toutes ces rencontres, les représentants gouvernementaux nous ont fait part de leur accord sur notre revendication et ont indiqué œuvrer en ce sens et pour certains : « en tant que français, citoyen et soldat ».
Il faut dire aussi que lors de l’entrevue de la Libre Pensée avec le Directeur de Cabinet du Premier Ministre, l’accueil, sur cette question fut des plus froids, pour des raisons obscures que nous n’avons pu élucider. Mais, inlassablement, la Libre Pensée a agit de manière unitaire pour faire avancer le dossier.
Bien entendu, la Libre Pensée a essayé d’utiliser les médias pour relayer cette campagne d’opinion. Et, soulignons-le, parce que ce n’est pas tous les jours en ce qui nous concerne, cette action, vivante dans la conscience collective, a pu trouver, parfois, les voies et les moyens de s’exprimer. Nous remercions les journalistes qui nous ont aidés.
Pardon ou réhabilitation ?
Une question s’est fait jour très rapidement dans notre action commune et collective de réparation. La Libre Pensée française s’est appuyée dans ce combat sur tous les éléments sur lesquels elle pouvait s’appuyer. Notamment sur la loi anglaise « de pardon » de 2005 qui « a effacé les fautes » de 306 Fusillés pour l’exemple du Royaume-Uni. Et qui a même érigé un monument inspiré, à leur mémoire, le « Shot at Dawn Memorial » à Alrewas dans le Staffordshire. Ce n’est pas rien.
Récemment, la Libre Pensée française s’est appuyée sur une loi allemande portant amnistie pour les déserteurs de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela n’est pas rien non plus. Mais comparaison n’est pas raison.
La Fédération nationale de la Libre Pensée française est dans un pays républicain. La République n’accorde pas le pardon, elle rend la justice. Le pardon est monarchiste, la justice est républicaine. C’est pourquoi la Fédération nationale de la Libre Pensée n’a pas cru devoir s’associer à une proposition de loi du groupe parlementaire dit « Front de Gauche » au Sénat qui était entièrement fondée sur la notion de pardon.
Soyons clair, tout ce qui va dans le sens de la réhabilitation des « mutins » et de ceux qui refusent d’obéir aveuglement à des ordres inadmissibles et cruels, doit être soutenu. Et la Libre Pensée soutient tous ces pas en avant. La Libre Pensée estime positive cette proposition de loi, car elle ouvre une fenêtre de liberté. Et cela doit être salué comme tel.
Pour autant, la Fédération nationale n’abdiquera jamais son jugement sous le couvert « d’unité », parfois fallacieuse et pernicieuse. Le pardon, c’est l’aumône. La justice, c’est la réparation, c’est la réhabilitation. Le seul « réalisme politique » digne de ce nom, c’est la justice, c’est-à-dire la réhabilitation. Tout le reste n’est qu’un raccourci, c’est-à-dire une voie de traverse qui ne peut conduire qu’à une impasse.
En une phrase, comme en cent, nous voulons la réhabilitation politique collective des 600 Fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale qui sont toujours dans l’opprobre. Tel est notre but, tel est notre chemin. Nous voulons gagner sur tous les cas des fusillés pour gagner une cause
Des pas positifs réalisés
Devant la puissance de l’exigence républicaine de justice, Le Président de la République Nicolas Sarkozy a dû (et su) s’adapter. Nous ne sommes pas dupes en ce domaine. Dans sa première période du septennat, il n’avait de cesse de ramasser des proies à « gauche », pour collectionner les images comme sur la carlingue d’un Spitfire pendant le Blitz.
Il a cru donc intelligent de « surfer » sur la vague « réhabilitionnaliste » pour poser des banderilles sur la gauche qui hésitait à aller jusque là. En tenant compte du discours de la Libre Pensée (il n’y a là aucune forfanterie de notre part, mais pur réalisme), il a, dans différents discours, été au bord de prononcer le mot de « réhabilitation » des Fusillés pour l’exemple.
Depuis les défaites électorales étant ce qu’elles sont, il en rabattit un peu et même beaucoup. Pour autant, rien n’est interdit, la campagne présidentielle faisant le plein. De nouveaux contacts ont été pris. L’avenir dira ce qu’il en adviendra. Avec ce gouvernement, ou avec un autre, la Fédération nationale de la Libre Pensée continuera à agir. Et nous gagnerons, car notre cause est juste !
Le sens véritable de notre action
Au-delà du sentiment profond de vouloir la réparation d’une injustice profonde commise contre 650 innocents et plus, la Fédération nationale de la Libre Pensée agit sur des bases de principes. Ce que nous voulons voir reconnaître, c’est le droit à la désobéissance. En ces temps de guerre permanente et professionnelle, la Libre Pensée agit toujours pour la liberté de conscience de tous les citoyens, y compris sous l’uniforme.
Le droit de dire non, c’est l’application du principe absolu de la liberté de conscience. C’est ce que nous revendiquons pour nous et pour tous. Nous revendiquons pour tous les citoyens sous l’uniforme, quelque soit leur statut de pouvoir dire non. Des milliers d’hommes ont refusé de monter à l’assaut pour des raisons diverses. D’abord, parce qu’ils refusaient de mourir pour rien. Parce qu’ils refusaient de mourir tout simplement, parce qu’ils en avaient assez de cette boucherie.
Ils ont dit non ! Et ils ont été fusillés pour cela. Ils ont refusé de croire à la propagande belliciste, opposé une résistance constante, ils ont pensé librement, ils ont désobéi…Et ils sont morts… Fusillés pour l’exemple. ! Pour autant, ils n’ont pas utilisé un « devoir de désobéissance », mais un « droit à la désobéissance ». C’est pourquoi nous militons pour la reconnaissance d’un droit de dire non. Pas un devoir de dire non. Car on en revient toujours aux contingences des interrogations de la conscience.
En 1914-1918, il y a en a eu des millions qui ont dit oui. Quelques milliers ont dit non. Je n’opposerai pas les millions aux milliers, les milliers aux millions. Car, c’est la même histoire qu’ils ont faite, celle de la vieille chanson qui a bercé la misère humaine selon Jean Jaurès. Ils étaient tous unis dans la détresse, la peur et la désolation.
La Fédération nationale de la Libre Pensée combat pour faire reconnaître, par cette action de justice, le DROIT à la désobéissance. Le libre arbitre, la liberté de conscience doivent rester toujours notre guide. Comme en 1789, le droit, pas le devoir. La notion de devoirs, contre la notion de droits, a été instaurée dans la Constitution thermidorienne de 1795.
Cela nous amène aussi à poser aussi la question des moyens pour rechercher la vérité qui devrait guider notre conscience. Il y a un procès perpétuel qui est fait au bolchévisme, puis au trotskysme (nécessité oblige) sur la formule faussement attribuée : « la fin justifie les moyens ». Dans son ouvrage Leur morale et la nôtre , Léon Trotsky indique clairement qu’il ne saurait y avoir de moyens contraires à la fin.
Un autre auteur, qui n’a rien à voir avec le communisme, Albert Camus qui était plutôt de la mouvance libertaire répondait la même chose : « La fin justifie les moyens, mais qui justifiera la fin ? A cette question sans cesse posée et jamais résolue, l’homme révolté répond : les moyens ». C’est la même idée : il ne saurait y avoir de moyens contraires à la fin, car les moyens tuent la fin s’ils sont contraires à la fin.
Pour le reste, le chemin reste ouvert : « C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé le possible. Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait possible n’ont jamais avancé d’un pas ». Ainsi parlait Michel Bakounine.