par Christian Eyschen
Les jours se suivent et parfois se ressemblent.
Il est visible que l’activité de la Libre Pensée semble déranger un certain nombre de gens. Son combat pour la défense effective de la loi de 1905 et pour ne pas lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, ainsi que son action pour l’abrogation de la loi Debré et pour que l’arbre (de la « laïcité ») ne cache pas la forêt de subventions publiques à l’enseignement catholique ; tout cela n’est visiblement pas du goût de tout le monde.
Ainsi, nous faisons l’objet de commentaires, non plus de la part des journaux à grande diffusion qui, volontairement, semblent nous négliger, mais de publications marginales dans lesquelles des rédacteurs, sensés être informés, publient des informations supposées quasi-secrètes qui n’ont pour objectif que le discrédit ou plus exactement discréditer les membres et militants de notre association, quels que soient leur origine et engagement et, pour ce faire, le mieux n’est-il pas de salir les plus anciens.
Et c’est bien normal. C’est, en quelque sorte, l’hommage du vice à la vertu.
Dans la série « On nous veut du bien », le dénommé Jean-Moïse Braitberg vient de commettre un article dans la revue Franc-maçonnerie Magazine N°27 sous le titre racoleur : « Quand les trotskystes frappaient à la porte du temple ». Chacun a les fantasmes qu’il peut.
Reprenant une fiche de police établie par le sieur Christophe Bourseiller sur « l’infiltration trotskyste », JM.B, l’enrichit d’une nouvelle infiltration, celle dans la Libre Pensée, sans doute pour faire plus actuel. Rappelons la méthode de Bourseiller : découper des articles parus n’importe où, les collectionner, les reproduire sans aucune vérification et les ressortir plus tard comme « preuves irréfutables ».
Et c’est ainsi qu’un mensonge ou une contrevérité répétés en boucle deviennent un scoop et une vérité. Goebbels avait inventé le procédé et il sert beaucoup depuis.
Rappelons aussi l’instrumentalisation des éléments de langage. Quand un gaulliste, un centriste, un socialiste bon teint (c’est-à-dire rallié à l’économie de marché et aux bienfaits de la Banque mondiale, du FMI et de l’Union européenne) rejoint un syndicat, une association, il adhère.
L’anarchiste, lui, noyaute. Le communiste tire les ficelles. Le franc-maçon manipule. Et le trotskyste s’infiltre. Dans cet article, il y a les calomnies habituelles contre Pierre Lambert, ce qui a valu à certains les joies du tribunal. C’est donc le retour, là aussi, de vieilles ficelles usées jusqu’à la corde.
Mais quelle mouche a donc piqué Jean-Moïse Braitberg ?
Dans le numéro 23 de FM-Magazine de mars 2013, était publié un remarquable article d’Henri Pena-Ruiz qui rendait hommage à la Libre Pensée. Visiblement, cela n’a pas plu à tout le monde.
Aussi, dans le numéro 26, JM.B change de braquet. Il y traite du sujet « L’Église et la Franc-maçonnerie, histoire d’un malentendu » . Fallait oser ! Un malentendu ? Quand la Grande Loge de France « n’assigne aucune limite à la recherche de la vérité », quand le Grand Orient de France stipule dans l’Article 1er de sa Constitution : « La Franc-maçonnerie.. a pour principe la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique », on est aux antipodes des principes dogmatiques de l’Église catholique qui est fondée sur la « Vérité révélée ».
On a un peu de tristesse à dire à JM.B que chercher la vérité n’a rien à voir avec réciter la vérité révélée. Il ne s’agit donc pas d’un malentendu, mais d’une contradiction absolue et irrémédiable. La Franc-maçonnerie, c’est « Je pense, donc je suis », l’Église catholique, c’est « Je pense, donc tu suis ». Bien entendu, nous parlons de l’Église catholique comme institution et non des catholiques comme individus, qui peuvent être Franc-maçons sans problème.
Il y quelque pédanterie à prétendre régler plus de deux siècles de conflits intenses en « découvrant » que tout cela n’est qu’un malentendu. Le Grand Orient de France a été fondé en 1773. La Franc-maçonnerie a été condamnée par le Vatican dès le début et personne ne s’était aperçu qu’il y avait erreur sur la personne ? On se croirait revenu dans Les 5 dernières minutes avec l’inspecteur Bourrel : « Mais, bon sang, mais c’est bien sûr ! »
Avec la pédanterie, il y a toujours le mépris. JM.B écrit ainsi « Subsistent de nombreuses loges animées d’un esprit anticlérical d’un autre temps, certaines même terminant leurs travaux par le cri, aussi archaïque que ridicule de « A bas la calotte ! » »]
Visiblement, il n’y a pas que les anticléricaux qui sont d’un autre temps. On a connu la Première Alliance (Yahvé avec le peuple juif), puis la Deuxième Alliance (Dieu avec les chrétiens). Jean-Moïse Braitberg se prend pour le prophète de la Troisième Alliance, celle du Vatican et de la Franc-maçonnerie. Quelle modestie ! Et quel archaïsme !
Voulant sans doute effacer les compliments à la Libre Pensée et, peut être aussi, des fréquentations « douteuses » dans sa jeunesse, Jean-Moïse Braitberg emprunte le long chemin de la rédemption. Qu’il sache qu’il lui sera toujours demandé plus dans la contrition.
Il n’est pas sûr que la récompense sera de ce monde. A mécontenter tout le monde, tour à tour, sa revue risque d’en pâtir. Charles Péguy avait dit que pour réussir, une revue devait mécontenter au moins un tiers de ses lecteurs, mais jamais le même. JM.B est en train de mécontenter tous ses lecteurs.
Jupiter rend fous, ceux qu’il veut perdre.