Le dernier empereur d’Autriche-Hongrie, Charles 1er, petit-neveux de François-Joseph, suivra-t-il le chemin glorieux de « notre » Saint-Louis ? Le monde entier attend fiévreusement la réponse que donnera à cette angoissante question le Vatican vers l’automne de cette année. C’est en effet à cette date qu’on saura si ce personnage aura droit ou non au label « bienheureux », premier pas, comme chacun sait, de la sanctification totale, laquelle donne droit au kit complet : Auréole et petites ailes assorties.
Jean-Paul II, champion toute catégorie de ce sport, y est bien sûr favorable. Il semble par contre, qu’il y ait quelques hésitations, tant au Saint-Siège qu’en Autriche même.
Charles 1er est né à Persenbeug en Basse Autriche en 1887 et a fini ses jours dans la plus extrême pauvreté à Madère en 1922. Il était le fils de Charles François-Joseph Otton de Habsbourg-Lorraine, archiduc de son état, lui-même fils de Louis, frère de François-Joseph, décédé en 1916. Un de ses ministres disait paraît-il de lui : « il a trente ans, en paraît vingt, et pense comme s’il en avait dix. » Il est surtout connu dans l’histoire pour sa « lettre à Sixte », (c’était le prénom de son beau-frère, un Bourbon-Parme), dans laquelle il le chargeait de tenter une paix séparée avec les alliés. Georges Clemenceau le ridiculisa devant l’Europe entière en publiant la lettre. En manière de dénégation, notre Charlounet ne trouva rien de mieux que de resserrer ses liens avec l’empereur d’Allemagne. La Révolution éclatant tant en Allemagne qu’en Autriche, il ne put sauver sa couronne et les sociaux-démocrates proclamèrent la République pour tenter d’empêcher l’irruption du peuple – stimulé autant par la misère et la guerre que par l’exemple de la victoire de la Révolution russe. Mais, comme disait Kipling, ceci est une autre histoire. Charles 1er se retira alors en Hongrie, malgré l’hostilité du régent Horthy. Il fut fait prisonnier et fut contraint de se retirer à Madère avec sa femme et ses huit enfants, dont l’aîné, l’archiduc Otton est l’actuel prétendant à la couronne d’Autriche.
Charles, né trop tard dans un monde trop vieux ? Toujours est-il que l’extrême droite autrichienne, et un certain nombre d’éminences liées à ce mouvement tentent de redorer le blason de ce bigot invétéré, antisémite assez notoire (un de ses principaux conseillers, le jésuite Heinrich Abel prêchait en 1918, dans la chapelle de la basilique de Mariazell, l’élimination des juifs accusés par lui de lâcheté), individu pusillanime et sans aucune autorité (il permit l’utilisation des armes chimiques contre les troupes italiennes en 1917) : Il s’agit de faire de ce pauvre type pas très sympathique, une figure spirituelle héroïque.
Il y a malgré tout un problème technique de taille. Même si les exigences ont baissé, il faut malgré tout qu’on puisse créditer l’impétrant d’au moins un miracle, pour accéder au titre envié de « bienheureux. » Or, on ne lui attribue que la guérison, en 1960, des varices d’une religieuse. 38 ans après sa mort, il faut quand même le faire ! La bonne sœur prétend que, en prière devant la tombe du défunt, elle aurait distinctement entendu la formule rituelle : « Au diable les varices ! », proférée par une voix d’outre-tombe. Elle aurait même ajouté au prêtre à qui elle se confessait : « je vous assure que c’est vrai, d’ailleurs, vous n’avez qu’à tâter mes cuisses, vous verrez qu’elles n’ont plus aucune veine gonflée ! »
Sur le terrain, en Autriche, les forces s’activent. La « Ligue de prière de l’empereur Charles pour la paix entre les peuples », fondée en 1925 a actuellement pour président l’évêque de St-Pölten, Kurt Trenn, dont les sympathies pour l’extrême droite ne sont même pas cachées. En 1994, le « dossier Charles » lui a été confié par le Cardinal Hermann Groer, aujourd’hui décédé, mais qui avait depuis longtemps quitté l’avant de la scène, depuis que les autorités s’obstinaient à ne pas vouloir croire aux miracles qu’il jurait avoir accomplis en guérissant des hémorroïdes un certain nombre de ses anciens (jeunes) élèves. Les gens, aujourd’hui, ne croient plus en rien !
Bref !, rien que du beau monde … Je me ferai évidemment un devoir de vous informer des progrès de cette affaire, dès que nous en saurons un peu plus long…