Interview de Julien Colet, militant LFI

Interview réalisé par la Fédération de l’Hérault de la Libre Pensée

La loi dite « Séparatisme » (rebaptisé « confortant les principes républicains ») va passer en procédure accélérée à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Elle suscite de nombreuses réactions. Nous avons décidé de réaliser des interviews de responsables politiques et associatifs qui partagent avec nous certaines  valeurs.

Présentation.

Julien Colet, 47 ans, enseignant d’histoire Géographie, dans un collège REP +, Secrétaire général de l’union locale CGT de Montpellier (2008-2017), militant de la France Insoumise sur Montpellier

La loi dites sur le Séparatisme va passer à l’Assemblée nationale, quelle en est ta lecture ?

C’est un projet de loi confus comme en témoigne les multiples changements concernant sa rédaction. D’abord appelé loi contre le séparatisme, il a été rebaptisé projet de loi « confortant la laïcité et les principes républicains » pour enfin projet de loi « pour renforcer les principes républicains ». Mais de quoi parle-t-on alors ? La laïcité est un principe essentiel de notre république, mais il n’est pas le seul ! Notre république est laïque mais aussi démocratique, une et indivisible, sociale. Si le gouvernement veut vraiment renforcer les principes républicains, qu’il commence déjà par abandonner son projet de loi « Sécurité globale » véritable atteinte à nos libertés démocratiques. Qu’il fasse en sorte que les riches cessent d’échapper à l’impôt. Enfin qu’il fasse en sorte que notre République redevienne une et indivisible : comment se fait-il que l’Alsace-Moselle soit encore soumis au Concordat de Napoléon ou qu’en Guyane les prêtres soient rémunérés par la collectivité publique ?

Et cela m’amène au second point qui me semble important : ce projet de loi est une occasion manquée pour Macron et sa majorité de lever les ambiguïtés qu’ils portent envers la laïcité. A aucun moment le texte ne prévoit l’abolition du concordat d’Alsace-Moselle ou la suppression de la loi qui prévaut en Guyane et qui oblige la collectivité à salarier les prêtres. Comment se fait-il que le Président de notre République accepte d’être toujours chanoine de Latran et co-prince d’Andorre avec l’évêque d’Urgell ? Combien de temps encore notre République devra-t-elle tolérer en son sein les écoles hors contrat dont le nombre ne cesse d’augmenter à mesure que les écoles publiques elles diminuent ? Comment se fait-il que dans certaines régions, comme celle d’Occitanie, la collectivité accorde près de neuf millions d’euros aux lycées privés et confessionnels, ce qui va bien au-delà de ce qu’impose la loi ?

Tout cela donne l’impression d’une laïcité à géométrie variable. Ce texte, disons-le clairement, stigmatise les musulmans. Alors que notre patrie doit affronter la menace terrorisme et une crise sanitaire inédite, nous avons plus que jamais besoin d’unité et de solidarité. Au lieu de cela, le gouvernement fragmente la population et crée des clivages qui n’ont pas lieu d’être. Cela fait des décennies que l’extrême-droite instrumentalise la laïcité contre les musulmans. Ce qui est nouveau c’est que désormais la droite et une partie du PS font de même comme en témoigne le procès en islamo-gauchisme dont ont été victimes non seulement les membres de la France Insoumise mais aussi ceux de l’UNEF, de la CGT ou de la FSU

Est-ce que tu penses que l’organisation des religions par l’Etat est contradictoire avec la Séparation ?

L’État ne doit pas organiser la religion pas plus que la religion ne doit se mêler de l’organisation de l’État. En souhaitant revenir sur la loi de 1905, Macron souhaite en réalité instaurer une sorte de contrôle par l’État du contenu des religions. Mais c’est le contraire même de la laïcité ! La laïcité prévoit que les religions s’organisent elles-mêmes, l’État n’a pas à se prononcer sur le contenu du dogme, sur la validité d’une option religieuse par rapport à une autre. L’État n’a pas à former des imams, des rabbins ou des prêtres. Cela traduit une grande méconnaissance de la loi de 1905 et de l’histoire même des religions : croire qu’on peut organiser l’ensemble des religions sur le même modèle centralisé et pyramidal que l’Église catholique, est une vue de l’esprit.

En revanche, l’État doit veiller, pour les croyants et pour les non-croyants, au respect de la loi, et les religions ne peuvent pas s’organiser de façon contraire à elle. Or sur ce point, la loi existe déjà : les prêches inacceptables et contraires à la loi font déjà l’objet d’une répression, la loi permet déjà de fermer un lieu de culte pour cause de radicalisation et enfin la loi permet de dissoudre des associations « fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ». La loi est donc déjà très claire.

La LFI a annoncé un combat d’amendements, sur quoi va porter le fer ?

Dans sa conférence de presse du 9 décembre, Jean-Luc Mélenchon a annoncé que le groupe LFI allait déposer entre 700 et 1 000 amendements, dont nombre d’entre eux porteront sur l’extension de la laïcité à l’ensemble du territoire de la République pour notamment exiger l’abrogation du concordat d’Alsace-Moselle.

Le débat parlementaire suffira-t-il face à une majorité qui semble ne pas être perméable à grand-chose ?

Il est vrai que notre groupe parlementaire doit débattre avec des députés playmobils qui disent amen (c’est le cas de le dire !) à tous les caprices du prince. Ce n’est pas simple, mais on peut leur faire confiance pour défendre avec vigueur la mise en œuvre d’une véritable laïcité sur tout le territoire. Après, il est évident que le combat doit se poursuivre au-delà de l’hémicycle et je suis certain que la Libre Pensée prendra toute sa part dans la bataille, notamment à Montpellier où le maire veut imposer une énième charte de la laïcité aux associations.

Justement penses-tu que ce projet de loi remette en cause des libertés aussi fondamentales que la liberté d’association ?

D’une manière générale, le gouvernement actuel a un vrai problème avec nos libertés. Il y a le projet de loi « Sécurité globale » bien sûr, mais auparavant il y a eu la loi AVIA, dont le contenu avait été quasi-intégralement censuré par le Conseil constitutionnel. On pourrait aussi ajouter l’obligation faite aux journalistes d’obtenir une validation pour les reportages concernant certains fonctionnaires de l’Etat. Concernant les associations, on peut effectivement être inquiet. D’ailleurs, la dissolution administrative du CCIF, quoi qu’on pense de cette association, est problématique, car elle s’affranchit des règles de l’Etat de droit : jamais aucune poursuite pénale n’a été engagée contre l’association. Il est d’ailleurs cocasse de constater que dans le même temps Lumni, la plateforme éducative numérique de l’audiovisuel public français, reprend dans ses pastilles des études du CCIF !

Pour en revenir au projet de loi qui veut imposer aux associations de signer une énième charte des valeurs républicaines, il s’agit soit d’un gadget inutile, qui est une pure déclaration formelle qui ne veut rien dire que des généralités, soit d’une nouvelle dérive autoritaire qui serait une atteinte directe à la liberté d’association. Rappelons que loi de juillet 1901 encadre déjà parfaitement la liberté d’association : les articles 3 et 8 prévoient déjà la répression des atteintes aux lois de la République ; les articles 13 à 18 quant à eux encadrent quant à eux l’organisation et le fonctionnement des congrégations religieuses.

As-tu un mot à ajouter ?

L’amour ne se décrète pas par la loi. Pour faire aimer la République, il faut faire vivre partout, au quotidien, ses principes et rappeler que la République n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle est fraternelle et sociale. Le meilleur moyen de combattre l’intégrisme religieux, c’est de combattre le monde qui produit l’intégrisme : cela passe par davantage de justice sociale, davantage de services publics, davantage de démocratie, bref une politique aux antipodes de celle qui est actuellement appliquée.

 

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