par Gérald Cusin
Ce mois-ci, il est tout à fait inutile de lire la chronique de la commission science, contentez-vous de l’immense avancée pour l’humanité que constituent les informations contenues dans les lignes ci-dessous.
Correspondance Internationale nous apprend que la revue New Scientist de Londres a publié les résultats d’une âpre polémique dont l’origine remonte à 1972. Un article anonyme paru à cette époque dans Applied Optics informait la communauté scientifique internationale – et par là l’humanité toute entière – d’une découverte fabuleuse. En s’appuyant sur la Bible (ce que tout chercheur digne de ce nom doit faire), les auteurs avaient calculé quelle était la température de l’Enfer et du Paradis. Suivez le raisonnement, car je ne le répéterai pas deux fois.
Dans l’Apocalypse (21,8), Jean décrit l’ « étang ardent de feu et de soufre » où sont suppliciés les damnés. Pour qu’un tel étang existe la température de l’enfer doit être inférieure au point d’ébullition du soufre, soit 445°C. Au paradis, « la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil et la lumière du soleil sera sept fois plus grande, comme la lumière de 7 jours », révélait par ailleurs Isaïe (30,26). Or, la température d’un objet en équilibre thermique est proportionnelle à la racine quatrième de la quantité de lumière qu’il reçoit. La température du paradis, concluait l’article, est donc de … 525°C.
On aurait pu en rester là. Mais d’autres scientifiques ont repris les calculs de leurs collègues, et ont décelé …une lamentable erreur. Les physiciens Jorge Mira Pérez et José Vina ont déclaré, dans une lettre à Physics Today que les auteurs d’Applied Optics avaient mal interprété le passage d’Isaïe et multiplié à tort 7 par 7, comme vous vous en étiez sans doute rendu compte par vous-mêmes. En fait, la température du paradis n’est que de 231°C. Ouf !, on a eu chaud.
Heureusement d’ailleurs, car on ne voyait pas très bien l’intérêt d’aller au Paradis pour s’y faire griller encore plus qu’en enfer : les croyants sont bêtes, mais pas à ce point.
On répondra à cette basse attaque mécréante, que c’est l’âme qui va au Paradis ou en Enfer, et non le corps. A cela, je vous répliquerai deux choses.
D’abord, pour que l’âme puisse supporter des températures de 231°C (ne parlons pas de l’enfer, où l’on est précipité pour y subir mille tortures, et c’est bien fait), sans en souffrir, et même en s’y trouvant fort à l’aise, dans l’atmosphère fraîche et aérée à laquelle tout élu a droit, il faut que sa température interne varie d’environ plus ou moins 3°C par rapport au milieu extérieur. Il est donc nécessaire que la température de l’âme oscille entre 229 et 234 degrés centigrade.
Or, pour que, d’une part, cette température ne transforme pas immédiatement en une explosion de vapeur d’eau accompagnée d’un petit tas de poussière de carbone votre corps ( et celui de votre pauvre mère) au moment où l’âme se lie au corps (moment qui n’est pas très bien fixé, d’ailleurs) ; et que, d’autre part, l’ensemble soit maintenu en permanence à une température voisinant les 37°C, il est nécessaire que la température réelle du corps par lui-même contrebalance la température de l’âme. Il faut donc que votre corps soit à une température constante de moins 197°C. Vous comprenez mieux maintenant, pourquoi, chers amis mâles, vos compagnes – qui ont eu tardivement une âme, et certainement de moins bien bonne qualité – ont toujours les pieds gelés.
Ça vous laisse froid ? Attendez un peu.
Abordons maintenant le problème du jugement dernier, lorsque les corps ressusciteront. Vous pourriez prendre une belle dégelée. La pourriture des chairs ne serait donc qu’un mythe, car comment retourner en poussière à moins 197° ?
Bien sûr, tout le monde – y compris le pape – sait que les corps pourrissent. Loin de résoudre le problème, cela le rend encore plus complexe. Il n’y a qu’une seule alternative : Ou le paradis et l’enfer existent, ou alors c’est l’homme qui n’existe pas.
Mais si l’homme n’existe pas_ : y a-t-il une vie après rien ? Sans compter que les T-bone’s steaks doivent y être horriblement trop cuits.
Maintenant, si vous pensez que l’âme est une chose immatérielle et n’a donc pas de température propre, c’est votre droit. Dans ce cas, pourquoi Dieu a-t-il créé des endroits aussi chauds ? N’est-il pas préférable d’aller au purgatoire ? Dieu est-il nul en physique ? A-t-il été victime du nouveau code de l’éducation ? Allègre est-il antérieur à Dieu ?